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"Le peuple macédonien, comme ce fut le cas pour le peuple juif il y a presque cinq décennies, fait, à nouveau, son entrée dans l'histoire et dans la géographie, son identité souveraine doit être reconnue en conséquence... Les leçons tirées par votre pays de l'Holocauste doivent servir à donner l'alerte lorsque, chez certains de vos voisins, et le négationnisme font leur retour."

Skopje, le 9 mars 2019

Shimon Samuels, directeur des relations internationales du Centre Simon Wiesenthal, a prononcé un discours à l'occasion de la cérémonie organisée par le Gouvernement de Macédoine, La Fondation pour la mémoire de l'Holocauste et la communauté juive de Macédoine, pour commémorer le 68e anniversaire de la déportation de plus de 7 000 Juifs (dont un tiers d'enfants) vers Treblinka, où ils périrent. La cérémonie a marqué l'ouverture d'un impressionnant Centre et musée pour la mémoire de l'Holocauste, grâce à la restitution, par le gouvernement, des biens des Juifs assassinés pillés par l'occupant bulgare.

Ci-dessous, le discours de Shimon Samuels : 

"Votre Excellence Monsieur le Président de la République de Macédoine, votre Excellence Monsieur le Premier ministre, Mesdames et Messieurs les représentants de la communauté juive de Macédoine, Messieurs les dirigeants religieux, Mesdames et Messieurs les diplomates, Mesdames et messieurs, 

Je tiens à vous remercier pour cette invitation à prendre la parole devant vous en tant que directeur des relations internationales du Centre Simon Wiesenthal, une organisation juive de défense des Droits de l'Homme basée à Los Angeles et qui compte plus de 400 000 membres.

Le Centre porte le nom de notre mentor, Simon Wiesenthal, grâce à qui plus de 1 100 criminels de guerre Nazis furent menés devant la justice. 

Aujourd'hui, nous tirons les leçons de l'Holocauste pour analyser l'intolérance contemporaine et entretenons des relations consultatives auprès des Nations Unies, de l'UNESCO, du Conseil de l'Europe, et de l'Organisation des Etats Américains. 

Mon premier souvenir concernant la Macédoine est l'histoire héroïque d'Alexandre le Grand de Mokdon. Le Talmud rend compte de sa rencontre avec le Grand Prêtre du Temple de Jérusalem, Shimon HaTsadik. Alexandre refusa d'accéder à la demande des Samaritains qui voulaient exterminer les Juifs pour avoir refuser de placer son effigie dans le Temple. Pendant des siècles après, Alexandre fut le prénom le plus populaire parmi les communautés juives autour du bassin méditerranéen.  

Mon deuxième contact avec votre pays, se fit alors que j'étais étudiant à Jérusalem, partant vers Londres, ma ville natale, pour les vacances d'été. Nous étions le 26 juillet 1963. Nous avions quitté la gare de Skopje et étions à 30 kilomètres de celle-ci, lorsque le séisme frappa la ville. Il tua plus de 1 500 personnes et des milliers furent blessées. Qu'un tel drame ne se reproduise jamais. 

Mon troisième souvenir est un chapitre presque inconnu de l'Holocauste : le sort des Juifs de Macédoine et de Thrace. 7 000 membres de cette ancienne communauté furent déportés, seuls 150 survécurent en se cachant ou en résistant (dépassant le taux de 95% tués en Lituanie, cette proportion de victimes est la plus importante).

Mon quatrième souvenir est celui de ma grande joie lors du "Printemps de l'Europe", qui vit de désintégrer l'ex-Yougoslavie. Malgré la résurgence de conflits nationaux antérieurs au communisme, il semblait que "la nouvelle-vieille Europe" se faisait jour pour participer à la consolidation de la démocratie et de la sécurité européennes. 

Le peuple macédonien, comme ce fut le cas pour le peuple juif il y a presque cinq décennies, fait, à nouveau, son entrée dans l'histoire et dans la géographie, son identité souveraine doit être reconnue en conséquence... Les leçons tirées par votre pays de l'Holocauste doivent servir à donner l'alerte lorsque, chez certains de vos voisins, l'antisémitisme et le négationnisme font leur retour.

C'est pourquoi, nous encourageons le gouvernement macédonien à se porter candidat à intégrer le Groupe d'action pour la coopération internationale en matière d'éducation et de mémoire de l'Holocauste. 
Nous suggérons qu'un appel soit lancé pour rassembler des recherches du monde entier au sujet de la Shoah dans les Balkans, dans le but d'en faire une présentation ici même, à Skopje, dans votre superbe Centre pour la mémoire de l'Holocauste. Ceci pourrait se faire à l'occasion du 70e anniversaire de la déportation en 2013. 

La Macédoine est un rempart de l'Occident, à ce titre, une place doit lui être accordée au sein de l'OTAN. En outre, le soleil qui est au centre de votre drapeau doit bientôt briller parmi les étoiles de l'Union européenne, à l'entrée de laquelle vous êtes candidat pour le prochain élargissement. Vous y apporterez votre sagesse et toute la richesse de votre héritage culturel.

Le Centre Simon Wiesenthal se réjouit de coopérer avec la Macédoine et sa communauté juive. 

Je vous remercie de m'avoir invité à cette réunion si importante.