Varsovie, le 19 avril 2023
Les Juifs polonais qui ont quitté leur pays en 1968 se réunissent chaque année en Israël. Le directeur des Relations internationales du Centre Wiesenthal, Shimon Samuels, a participé à cette dernière rencontre, qui s’est tenue cette fois à Varsovie.
Ils se sont réunis à l’occasion du 80e anniversaire du soulèvement du ghetto de Varsovie, à l’invitation de la chancellerie présidentielle polonaise.
En haut, de gauche à droite : jonquille et étoiles jaunes ; de jeunes Polonais présentant des jonquilles ;
Shimon Samuels déposant une couronne.
En bas, de gauche à droite : Samuels avec le chef de la chancellerie présidentielle polonaise ; la couronne du Centre Wiesenthal ; Samuels avec le rabbin Carlebach et des officiers de police de l’État du New Jersey ; Samuels avec la couronne de l’État d’Israël.
La victoire d’Israël en 1967 dans la guerre des Six Jours a été mal accueillie par le bloc communiste. Un impact qui a renforcé le harcèlement contre la communauté juive soviétique et, en 1968, les chars de l’Armée rouge envahissaient la Tchécoslovaquie pour réprimer la dissidence populaire.
La Pologne voisine a elle-même été infectée par une vague d’antisémitisme – ouvrant la voie au départ de quelque treize mille Juifs, malgré l’annulation de leurs passeports. Environ trois mille d’entre eux sont restés, tandis que les autres formaient une famille diversifiée et dispersée de réfugiés – « ceux de Mars 68 ».
D’après Ésaïe, « dans chaque génération, ils se lèvent contre nous pour nous détruire ».
En ces temps de divergences avec Israël sur le rôle de la collaboration polonaise avec les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale, la commémoration du ghetto de Varsovie représentait une occasion de s’adresser à la jeunesse.
Voilà plus d’un demi-siècle, en 1969, notre mentor, Simon Wiesenthal, a écrit un livre intitulé Le Tournesol.
Après avoir failli être abattu et jeté dans une fosse commune, il a été réquisitionné en 1943 dans un hôpital en tant que travailleur forcé, chargé de disposer des déchets médicaux. Alors qu’il allait collecter un nouveau chargement de pansements souillés, il a été interpellé par une infirmière qui l’a fait rencontrer un soldat SS mourant. Ce dernier voulait qu’un Juif lui pardonne ses crimes.
Saisissant sa main, le nazi l’a supplié. Wiesenthal s’est libéré et s’est tourné vers une fenêtre donnant sur un cimetière allemand parsemé de tournesols. Il a pensé aux fosses communes anonymes de son peuple, tandis que ses meurtriers avaient droit à des fleurs.
Cette nuit-là, Wiesenthal a consulté ses codétenus. Il leur a demandé s’ils pouvaient pardonner des assassins qui avaient commis un meurtre de masse. Tous ont convenu qu’on n’avait pas ce droit, même pour sa propre famille assassinée.
Le Tournesol est un tout petit livre qui recueille les réponses à cette question. Il a été envoyé, après la Seconde Guerre mondiale, à d’éminentes personnalités politiques, religieuses et culturelles.
Dans l’avion pour Varsovie, Shimon Samuels est tombé sur un magazine polonais montrant des jeunes qui portaient de petites jonquilles en papier se déployant en étoiles jaunes... Il a demandé à de jeunes Polonais ce que représentaient pour eux ces jonquilles jaunes. Certains ont esquivé la question, d’autres ont répondu que les jonquilles représentaient le printemps !
Lors de cette impressionnante cérémonie de commémoration, les orateurs ont rendu hommage aux martyrs juifs qui, envers et contre tout, se sont opposés à l’occupation et à la persécution nazies. Leur courageuse résistance est un exemple pour les générations futures.
Il faudrait porter ce témoignage dans toutes les écoles de Pologne... pour que les jonquilles ne signifient pas seulement le début du printemps. Le Tournesol devrait également faire partie des programmes d’études, particulièrement en cette période de controverse sur l’éthique et la justice. « Sinon, une journée comme celle-ci n’aurait servi à rien ! » concluait Shimon Samuels.
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