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Éditorial de Shimon Samuels publié en anglais dans The Jerusalem Post
le 8 août 2020
https://www.jpost.com/international/the-30th-anniversary-of-the-outbreak-of-the-gulf-war-a-cuban-perspective-637952

À la fin du mois de juillet 1990, je suis parti en vacances à La Havane avec ma famille. Nous avions pris l’avion au Mexique avec un groupe turbulent de jeunes communistes danois se rendant au paradis marxiste pour couper la canne à sucre.

8 August 2020 blog
Pierre tombale surmontée d’une étoile de David dans le cimetière juif de Guanabacoa,
près de La Havane, Cuba, 2007 (photo Claudia Daut/Reuters).

Le 2 août 1990, Saddam Hussein envahissait le Koweït. Le monde arabe était dans tous ses états. Les pays inféodés à l’Union soviétique soutenaient l’Irak. Les autres avaient rejoint la coalition occidentale dirigée par les États-Unis.

Washington avait donné l’ordre à Israël de rester en dehors du conflit, malgré les trente-neuf missiles Scud qui allaient s’abattre sur lui.

À la fin de ce mois de juillet, j’étais parti en vacances à La Havane avec ma famille. Nous avions pris l’avion au Mexique avec un groupe turbulent de jeunes communistes danois se rendant au paradis marxiste pour couper la canne à sucre.

Le bureau parisien du Joint (le Comité conjoint de distribution juif américain) avait contribué à l’organisation d’une réunion avec les dirigeants juifs cubains, chapeautés par leur président, le Dr Jose Miller. L’objectif de cette réunion était d’accéder aux archives nationales du paquebot le Saint Louis.

En mai 1939, ce navire allemand était parti de Hambourg avec 937 fugitifs juifs en possession de visas d’entrée cubains. À leur arrivée, La Havane accepta une femme enceinte et quelques malades, et refusa l’asile aux autres passagers.

Les appels lancés à Washington et à Ottawa restèrent sans effet.

Le capitaine reçut l’ordre de retourner dans l’Allemagne nazie mais, arrivé dans l’Atlantique Nord, il menaça d’échouer son navire sur les côtes britanniques, de manière à rendre impossible le retour de ses passagers en Allemagne. Son intervention eut pour conséquence de rediriger les passagers vers l’Angleterre, la France, la Belgique et les Pays-Bas. Ceux accueillis en Angleterre survécurent, nombre de ceux envoyés sur le continent périrent.

Nous comptions sur Fidel Castro, qui avait exprimé le désir de révéler la conduite scandaleuse du gouvernement cubain prérévolutionnaire et la politique d’avant-guerre du département d’État américain.

Lors de notre visite au centre communautaire juif du Patronato, nous avons découvert dans sa bibliothèque une collection complète de livres en yiddish d’Abraham Tkach, épuisés ailleurs. Tkach était l’oncle de mon épouse. Nous avons par contre constaté un manque flagrant d’ouvrages en hébreu.

Après la révolution de 1959, la plupart des Juifs quittèrent l’île illégalement, beaucoup sur de petites embarcations qui les transportèrent en Floride, distante de 100 km. Ceux qui restèrent, en raison d’un malade dans la famille, d’un âge avancé ou d’un mariage mixte, furent – comme ce fut le cas pour tous les Cubains de la classe moyenne – dessaisis de leurs biens. Mais les synagogues restèrent ouvertes.

En 1967, après la guerre des Six Jours, le bloc soviétique, à l’exception de Cuba et de la Roumanie, coupa les relations diplomatiques avec Israël.

On avança maintes raisons pour expliquer pourquoi La Havane maintenait ses relations avec l’État hébreu : Castro aurait cru avoir des origines marranes, ou voulu montrer un signe d’indépendance vis-à-vis de Moscou, ou envisagé un chemin de traverse vers les États-Unis, ou il aurait simplement été motivé par d’importantes relations d’affaires et l’aide au développement rural prodiguée par le ministère israélien des Affaires étrangères.

Mais en 1973, avec la guerre de Kippour, Cuba rompit ses relations lors de la réunion du Mouvement des pays non alignés à La Havane. Castro fut applaudi pour avoir envoyé un bataillon d’artillerie cubain affronter Israël sur le front syrien. En 1975, Cuba était la tête de file des États qui défendaient la résolution « sionisme = racisme » à l’Assemblée générale des Nations unies.

De 1989 à 1991, avec la désintégration du bloc soviétique et la chute du communisme et de l’Union soviétique, Castro tentait d’éviter l’isolement et la crise économique subséquente à la perte du soutien russe. Une fois de plus, sa politique envers Israël s’adoucissait.

Un renouveau juif voyait le jour sur l’île, suscité par des missions d’ONG juives, principalement par le biais du Canada.

Jose Miller entretenait des contacts avec Fidel Castro. Il m’avait confié que ce dernier souhaitait visiter le Patronato, ce qui nous avait fourni l’occasion de solliciter des demandes.

Il me demanda : « Que proposeriez-vous ? »

Je répondis : « D’arrêter la diffusion de dessins humoristiques dans le journal du Parti communiste, Granma, qui représentent des soldats israéliens dans des tanks, affublés de têtes de cochons. D’expliquer à Fidel que c’est antisémite, car, dans le monde juif, le cochon est honni. »

Les dessins humoristiques ont cessé.

Je lui ai ensuite demandé : « Que pourrions-nous faire pour vous ? »

Miller répondit : « Cela fait vingt-cinq ans que je n’ai pas vu ma famille à Miami. »

Avec l’aide du Centre Wiesenthal, sous couvert d’un rassemblement interreligieux, Jose Miller put brièvement la retrouver.

La guerre du Golfe s’acheva le 28 février 1991. Saddam n’est plus, Fidel non plus. Le Cuba d’aujourd’hui fait dans le communisme light, et pourtant, c’est curieusement l’un des États les plus hostiles à Israël sur la scène internationale.

On ne m’a pas permis de consulter les archives du Saint Louis. C’est Yad Vashem qui a repris l’affaire en main.

Dans notre vol de retour, nous avons retrouvé notre groupe de jeunes Danois, qui étaient maintenant assis dans un silence glacial.

« Comment s’est passée la canne à sucre ? » leur ai-je demandé.

« Ils nous ont renvoyé en nous traitant de trotskistes, parce que nous leur avons dit qu’en chemin, nous avons visité la maison de Trotski à Mexico », m’expliqua leur chef.

« Et qu’est-ce que ça vous fait ? » insistais-je.

Sa réponse : « Le communisme est mort. »